Comment faire vraiment revenir la croissance
La productivité du travail ne cesse de ralentir. Les technologies de l'information devraient pourtant finir par l'accélérer. A condition de tout changer : l'entreprise, l'Etat, les relations sociales.
Sommes-nous condamnés à une croissance désespérément lente ? Dix ans après la grande crise financière de 2007-2008, la question est lancinante. Après s'être un peu estompée l'an dernier, quand tous les pays ou presque avaient repris la voie du progrès, elle revient en force avec une activité décevante. Alors que la liste des inquiétudes ne cesse de s'allonger - Brexit, budget italien, durcissement monétaire aux Etats-Unis, protectionnisme trumpien, glissade turque et argentine, morcellement politique allemand, dérive saoudienne, radicalisation brésilienne, stop and go chinois…
Rupture dans tous les pays avancés
Au-delà des doutes politiques, au-delà aussi des inégalités croissantes qui pèsent sur la demande, il faut s'interroger encore et toujours sur le moteur le plus puissant de la croissance : l'efficacité de la production. Ici, le constat est clair. Au cours des deux décennies qui ont précédé la crise financière, la productivité du travail progressait de 1,3 % par an en France. Depuis 2010, elle ne gagne plus que 0,9 % par an. Une analyse plus fine montre que la rupture se produit en réalité vers 2003-2004. On trouve la trace de semblable cassure à une date voisine dans tous les pays avancés.
Les économistes ont bien sûr âprement débattu des origines de cette rupture. Trois chercheurs de la Banque de France, Gilbert Cette, Rémy Lecat et le jeune et brillant Antonin Bergeaud, donnent un signe d'espoir dans ces controverses souvent peu joyeuses : ils ont en effet choisi de titrer leur livre qui vient de paraître « Le Bel Avenir de la croissance » (1). Ce faisant, ils prennent une place restée vacante dans le débat.
Smartphone vs tuyau d'eau
L'un des grands spécialistes mondiaux de la productivité, Robert Gordon, de l'université américaine de Northwestern, avait lancé le bal il y a cinq ans avec un argument microéconomique pessimiste : nous aurions épuisé le progrès technique. Le plus beau smartphone ne changera jamais autant nos vies que le tuyau qui apporte l'eau dans nos maisons. Deux économistes du MIT de Boston, Erik Brynjolfson et Andrew McAfee, ont répondu début 2014 avec un argument lui aussi microéconomique mais optimiste : les innovations des technologies de l'information vont déclencher une formidable vague de productivité. Une perspective qui trouve un écho dans le débat public, avec les espoirs suscités par l'intelligence artificielle - et l'anxiété sur l'avenir de l'emploi.
Le débat est aussi macroéconomique, avec un argument pessimiste avancé en 2013 par le professeur Larry Summers, ancien secrétaire au Trésor de Bill Clinton. Pour cet ex-président de Harvard (la grande université concurrente du MIT à Boston), nous serions dans une « stagnation séculaire». Le vieillissement de la population dans les pays avancés fait gonfler l'épargne. L'investissement n'est pas suffisant pour l'absorber. Le taux d'intérêt qui assure l'